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LA LOI TRAVAIL

LA LOI TRAVAIL

27-11-2016

Les points clés de la loi Travail 

Après un long parcours du combattant, la loi Travail a été publiée. Elle vise à élargir le champ de la négociation collective au niveau de l'entreprise, tout d'abord en matière de temps de travail. Tour d'horizon des principales nouveautés concernant les TPE/PME.

Le code du travail remis à plat

Nouvelle architecture. La loi réécrit en quasi-totalité tout un pan du code du travail, à savoir les règles relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés. En ces domaines, il existe, depuis le 10 août 2016, trois niveaux de règles :

- celles d'ordre public (c'est-à-dire auxquelles l'entreprise ne peut pas déroger) ;

- celles ouvertes à la négociation collective d'entreprise, d'établissement ou de branche ;

- les règles supplétives (qui s'appliquent en plus des règles d'ordre public et à défaut d'accord collectif d'entreprise, d'établissement ou de branche).

L'accord d'entreprise comme référence. Dans le domaine de la durée du travail, des repos et des congés, sauf exception, l'accord d'entreprise conclu après le 10 août 2016 s'applique en priorité, l'accord de branche n'intervenant qu'en l'absence d'accord d'entreprise.

En pratique, la loi Travail ouvre ici aux employeurs de nouvelles perspectives de négociation en interne. Résultat : sous réserve de respecter les règles d'ordre public et celles expressément réservées à la négociation de branche, un accord d'entreprise peut désormais sur certains points être moins favorable aux salariés que la convention collective de branche. Bien sûr, cet accord d'entreprise doit voir été négocié dans les strictes conditions légales (voir encadré p. 18).

Accords clés en main dans les TPE

La loi Travail invite les branches à conclure des accords types, ou clefs en main, que les entreprises de moins de 50 salariés pourront appliquer directement, sans avoir à se doter de leur propre accord collectif. La méthode préconisée consiste à offrir des options à l'employeur. Celui-ci fait ses choix, en informe les délégués du personnel, s'il en existe, et les salariés par tous moyens, puis officialise sa décision dans un document unilatéral.

Négocier un accord d'entreprise

Actuellement, pour être valable, un accord d'entreprise doit être signé par un ou des syndicats représentant au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles dans l'entreprise et ne pas avoir fait l'objet d'une opposition par des syndicats représentant au moins 50 % des suffrages.

La loi Travail modifie ces conditions de validité. Les accords d'entreprise étant appelés à monter en puissance, il fallait dans le même temps renforcer leur légitimité. C'est pourquoi la loi pose pour principe que les syndicats signataires devront représenter la majorité du personnel. À défaut de signature majoritaire, la loi prévoit un « plan B » : les syndicats signataires peuvent soumettre l'accord directement au vote du personnel. Pour ce faire, ces syndicats doivent représenter plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles. L'accord sera valable s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Ces nouvelles règles de négociation d'un accord d'entreprise s'appliquent :

- depuis le 9 août 2016 aux nouveaux accords de développement ou de préservation de l'emploi ;

- à partir du 1er janvier 2017 aux accords relatifs à la durée du travail et aux congés ;

- à partir du 1er septembre 2019 à l'ensemble des autres accords collectifs.

Entreprise sans délégué syndical (DS) ni représentant du personnel (RP) mandaté par un syndicat représentatif. L'employeur peut signer ou réviser un accord avec un ou des RP (ex. : élu du CE, de la DUP ou DP) à la seule condition qu'il (s) représente(nt) la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles dans l'entreprise.

Entreprise sans RP. Un accord peut être signé avec au moins un « simple » salarié non élu spécialement mandaté à cet effet par un syndicat représentatif dans la branche d'activité ou au niveau national et interprofessionnel.

À noter que, parmi les éléments de négociation relatifs à la durée du travail et aux congés et relevant désormais en priorité des accords d'entreprise, seule une sélection des principaux points nouveaux intéressant les TPE/PME est exposée dans cet article. Nous reviendrons sur certaines autres mesures dans de prochains numéros de RFConseil.

Durée du travail

Heures supplémentaires. La durée légale du travail est une règle d'ordre public : elle reste fixée à 35 h hebdomadaires, seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

En revanche, s'agissant des taux de majoration des heures supplémentaires, la loi Travail donne un peu plus de souplesse à l'employeur : il peut désormais négocier au niveau de l'entreprise un accord prévoyant un taux inférieur à l'accord de branche, à condition toutefois de ne pas descendre en dessous de 10 %. À défaut d'accord collectif d'entreprise ou de branche, on retombe aux mêmes taux légaux qu'antérieurement (+ 25 % pour les 8 premières, + 50 % au-delà).

Temps partiel. La durée minimale de travail à temps partiel reste fixée à 24 h par semaine (ou l'équivalent mensuel ou sur la période d'aménagement du temps de travail fixée par accord collectif). Les mêmes dérogations qu'actuellement sont prévues (ex : contrats d'une durée inférieure ou égale à 7 jours, CDD de remplacement d'un salarié).

Les négociations portant sur la fixation d'une durée minimale de travail inférieure à 24 h, d'un taux spécifique de rémunération des heures complémentaires ou la possibilité de conclure des avenants d'heures restent du domaine de l'accord de branche.

Durées maximales de travail. La durée quotidienne maximale de travail reste de 10 h avec des possibilités de dérogation :

- soit sur autorisation administrative ou en cas d'urgence ;

- soit, dans la limite de 12 h par jour, si un accord d'entreprise, ou à défaut de branche, le prévoit en cas d'activité accrue ou pour motifs liés à l'organisation de l'entreprise.

La durée maximale de travail en moyenne hebdomadaire sur 12 semaines consécutives demeure de 44 h. Il est possible de prévoir un dépassement de ce seuil, dans la limite de 46 h, via un accord collectif d'entreprise ou de branche, faute de quoi ce dépassement est possible sur autorisation administrative.

Astreinte. Jusqu'à présent, une astreinte se définissait comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise.

Désormais, le critère de localisation de l'astreinte au domicile du salarié ou à proximité est remplacé par une condition négative : que l'astreinte ne se déroule pas sur le lieu de travail.

Dans tous les cas, tant que le salarié n'est pas intervenu, l'astreinte ne constitue pas du temps de travail effectif, même si elle doit faire l'objet de contreparties (en repos ou sous forme financière).

Travail de nuit. Désormais, le travail de nuit est un travail effectué au cours d'une période d'au moins 9 h consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 h, la période de travail de nuit commençant au plus tôt à 21 h et s'achevant au plus tard à 7 h (dérogations dans certains secteurs d'activité)

Congés payés et absences

Les règles fondamentales restent d'ordre public et ne sont pas ouvertes à la négociation collective (ex : droit au congé, acquisition et décompte des congés payés, indemnité de congés payés).

En revanche, un certain nombre de points sont ouverts à la négociation, avec primauté à l'accord d'entreprise sur l'accord de branche. Par exemple, il est ainsi possible de négocier sur la date de début de la période de référence pour l'acquisition des congés payés (sauf secteurs relevant de caisses de congés payés). Il est ainsi possible de négocier une période calée sur l'année civile, plutôt que de se référer au classique « 1er juin - 31 mai ».

Congés dès l'embauche. Désormais, un salarié peut prendre ses congés dès l'embauche (ex. : un salarié embauché en juin 2016 n'a pas à attendre mai 2017 pour commencer à prendre ses jours de congés).

Congé jeunes parents. La loi étend aux hommes le congé supplémentaire jusqu'alors souvent connu sous le nom de « congé supplémentaire des jeunes mères de famille ». Désormais, quel que soit leur sexe :

- les salariés de moins de 21 ans au 30 avril de l'année précédente bénéficient de 2 jours ouvrables supplémentaires de congés payés par enfant à charge (1 jour si le congé principal acquis ne dépasse pas 6 jours) ;

- pour les salariés âgés de 21 ans ou plus, le congé supplémentaire est de 2 jours par enfant à charge, mais sans que ces jours supplémentaires puissent conduire au global la durée maximale des congés payés prévue par la loi (30 jours ouvrables).

Événements familiaux. Le nombre de jours de congés rémunérés liés à des décès est allongé. Il est désormais fixé à (minima s'appliquant à défaut d'accord collectif plus favorable) :

- 5 jours pour un enfant (2 jours auparavant) ;

- 3 jours pour le conjoint, concubin ou partenaire pacsé (2 jours auparavant) et du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une soeur (1 jour auparavant).

Par ailleurs, un nouveau congé légal de 2 jours est instauré en cas de survenue d'un handicap chez un enfant.

Jours fériés. La liste des jours légaux est maintenue ainsi que les conséquences de leur chômage, notamment en terme de rémunération Un accord collectif peut définir les jours fériés chômés (autre que le 1er mai qui l'est obligatoirement), faute de quoi l'employeur détermine cette liste.

Protection prolongée de la parentalité

Désormais, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée pendant les 10 semaines (au lieu de 4) après le congé de maternité ou, le cas échéant, les congés payés qui suivent. Quant au salarié, son contrat de travail ne peut pas être rompu pendant les 10 semaines (au lieu de 4) suivant la naissance de l'enfant, sauf dans certains cas.

Suivi médical allégé

Visite d'embauche supprimée. Actuellement, avant l'embauche ou au plus tard avant la fin de la période d'essai, tout salarié doit subir une visite médicale pratiquée par le seul médecin du travail. Cet examen est remplacé par une visite d'information et de prévention après l'embauche, dans un délai à fixer par décret.

Le salarié à un poste présentant des risques particuliers bénéficiera, en lieu et place de cette visite d'information, d'un examen médical d'aptitude, proche de la visite d'embauche actuelle.

Suivi médical périodique. Aujourd'hui, chaque salarié bénéficie, sauf cas particuliers, d'un examen médical tous les 2 ans. Un décret à paraître fixera les modalités et la périodicité du suivi individuel en tenant compte des conditions de travail, de l'état de santé et de l'âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé.

CDD et travailleurs temporaires. Afin d'éviter les visites médicales redondantes, les règles de suivi seront adaptées (par décret) pour les salariés embauchés en CDD ou en contrat de travail temporaire. La périodicité serait la même que celle applicable aux CDI par exemple.

Mesures diverses

Contrat de professionnalisation. À titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2017, le contrat de professionnalisation est ouvert aux demandeurs d'emploi, y compris ceux écartés pour inaptitude et ceux reconnus travailleurs handicapés. Il s'agirait pour eux d'acquérir des qualifications autres que celles habituellement visées par ce contrat. Une acception plus large des formations actuellement effectuées dans le cadre de ce contrat sera donc admise.

Compte personnel d'activité. Le compte personnel d'activité est créé à compter du 1er janvier 2017. Il devrait être composé du compte personnel de formation (CPF), du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et du nouveau compte d'engagement citoyen (CEC). Ce dernier recensera les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire (service civique, maître d'apprentissage...).

Source. Loi 2016-1088 du 8 août 2016.

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